mercredi 20 février 2008

Second Life: Un monde de mentors

Je reçois une notecard de Mimi Carpenter pour un concert à la Coopération française. Je m'y rends, sans doute trop tard. Elle était là mais le concert semblait terminé. Il y avait un monde fou. Et beaucoup de noobs français venus chercher de l'aide.




Une jeune noob , toute vêtue de blanc (une fan de Loulou ? ) complètement perdue, demandait de l'aide à qui pouvait l'entendre. Elle était assise et ne savait pas comment bouger. "Je stagne", m'a-t-elle dit... J'ai bien aimé cette expression.
Elle venait de débarquer ce jour-même, peut-être même à l'instant. Limite affolée par ce qui lui arrivait, elle voulait savoir comment jouer, comment rencontrer des gens, quoi faire ici. Je lui ai dit que Second Life n'était pas un jeu, mais un Univers. Qu'il était possible de faire des milliers de choses mais que c'était à soi de se fixer ses propres objectifs.

- Quels conseils me donnerais-tu?
- Juste d’être ouverte, sympa et... patiente!

J'ai cherché à l'aider le mieux possible pour qu'elle ne se décourage pas. Je me suis même surpris à craindre pour sa vie virtuelle. Allait-t-elle durer une journée? Quelques mois? Une vie entière? Allait-elle passait à côté du "truc"?

La réussite de la vie virtuelle peut tenir à un fil.

Tout en lui parlant, je me souvenais de mes débuts. J'avais oublié que moi aussi j'étais dans un état de dépendance. J'avais eu besoin des autres pour des choses aussi simples que danser, passer du jour à la nuit, ou même trouver un lieu intéressant.
Depuis ses débuts, Second Life a généré une longue chaîne de solidarité entre les résidents. Une chaîne d'entraide où les plus aguerris transmettent leur savoir à ceux qui débutent.
L'apprentissage d'une vie passe par les autres.

Cette rencontre m'a éclairé sur le rôle des "mentors", qui ont décidé de donner une partie de leur temps à aider les autres.

Ce choix altruiste suscitait mon admiration et en même temps m'intriguait. Donner de son temps à des inconnus, les aider à résoudre toutes sortes de problèmes, juste pour le plaisir de le faire, me semblait génial et incompréhensible en même temps. Pourquoi cette générosité? Comment l'expliquer?

Et puis j'ai compris. Enfin, je crois. Les mentors représentent la partie visible de l'iceberg. "Donner" est une des raisons d'être de nombreux résidents dans ce monde. Vision naïve?

Des musiciens donnent des concerts gratuits. Des créateurs, comme Yadni Monde mettent à disposition des centaines d'objets virtuels gratuits, des builders créent des lieux de vie stupéfiants. Des dizaines de tutoriaux sont créés pour nous aider à évoluer dans ce monde, des Sims comme la Coopération Française sont conçues exprès pour aider les noobs, et enfin des blogueurs partagent leurs connaissances et leur savoir.

Second Life est un monde de mentors.

Donner quelque chose de la compréhension de ce monde mystérieux est pour de nombreux résidents une raison de vivre. Une nécessité, que j'ai moi-même ressentie.

Je n'avais pas vu que cette solidarité si particulière, dont j'avais déjà parlé était si ancrée dans cet univers. Second Life a fait naître une génération de "passeurs".
Cela est très réjouissant. Cela fait partie de la culture SL.
Parce que nous sommes au début de l'ère "virtuelle"?
Parce que nous sommes encore en minorité?
Parce que nous voulons faire savoir au reste du monde que l'expérience du virtuel peut enrichir l'être humain?

Au cours de ma vie Slienne de nombreuses personnes m'ont transmis, parfois même sans s'en rendre compte, par leurs connaissances techniques, leurs réflexions, leurs écrits, leur art, ou même par leur façon d'être, des éclairages qui m'ont permis d'avancer.
Les noobs n'échappent pas à cette règle. Ces "apprentis de la vie virtuelle" nous rappellent sans cesse, par leurs questions, leur fraîcheur, leurs peurs, ce que nous étions et ce que nous sommes devenus. N'oublions pas que certains d'entre eux seront en mesure, un jour, de transmettre...

" Si je devais retirer tout ce que les autres m'ont apporté, il ne me resterait que la peau et les os"

Goethe




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samedi 9 février 2008

Second Life: De femme à femme


Quand je veux être seul, tranquille, j'utilise mon avatar féminin. Je n'ai aucun ami sur ma liste et cela me permet d'être totalement anonyme. J'ai l'impression que chaque vie créée, chaque nouveau personnage qu'on interprète vient compléter les vies précédentes. C'est peut-être le cas quand on passe de la vie RL à la vie SL. C'est aussi ce que permettent les "avatars alternatifs" par rapport aux avatars officiels. Myster a des amis, des lecteurs, une vie sociale relative.
Quand je suis mon personnage féminin, je n'ai pas les mêmes envies que Myster. Je n'ai pas envie de fréquenter les mêmes lieux, et très logiquement je ne rencontre pas le même type de personnes. Comme si mes personnalités étaient très différentes. D'ailleurs, elles le sont.

L'autre soir, je me suis retrouvée à un endroit où une autre avatar faisait des essais de programmation avec ses créations. Nous étions toutes les deux toutes seules et nous avions engagé une conversation. De femme à femme.
À un moment, elle m'a demandé de l'aider à tester ses animations. Peut-être qu'elle a senti en moi la fille gentille prête à rendre service. Ou peut-être tout simplement que j'étais la seule avatar dans les parages.
En tout cas, j'ai passé un certain temps à cliquer sur ses boules. Enfin, les boules qu'elle avait créées. Je crois que ça lui a fait plaisir.

C'est un peu ça Second Life. On peut passer une soirée entière à cliquer sur des boules roses et bleues juste pour rendre service à quelqu'un que l’on connaît à peine. Cette solidarité Silienne , très présente, vient peut-être des difficultés techniques qu'il y a à vivre dans cet univers et auxquelles nous sommes tous confrontés. Nous aimons aider les autres. Il y a même ici des "mentors", ces avatars dont l’activité consiste à aider "les apprentis" à apprivoiser la vie virtuelle. Gratuitement. Pour le plaisir d'aider.

Je me suis retrouvée assise à côté elle sur son tapis. J'ai été troublée par notre proximité physique. C'était la première fois qu'en tant que femme que je m'asseyais à côté d'une femme.
Est-ce que ce trouble venait du fait qu'elle ne sache pas que j'étais un homme dans la réalité? Pas seulement. Notre relation était celle de deux femmes entre elles. Et ça, je ne l'avais pas encore expérimenté.
Un homme est venu pour nous parler. J'ai tout juste été polie. C'était un gentil noob, on l'a aidé, mais j'avais envie de rester tranquille avec elle.

Dans notre rencontre, il n'y avait rien d'un mensonge ou d'une tricherie. Elle m'a prise pour une femme et c'est ce que j'étais à ce moment-là.
Si j'avais tenté de la séduire, elle m'aurait peut-être dit qu'elle n'était pas lesbienne. Et si elle avait été tentée par une aventure homosexuelle, le fait que je sois un homme ne l'aurait pas empêchée d'imaginer qu'elle a fait l'amour avec une femme.

Ceux qui viennent ici ressentent cette règle du jeu comme une évidence. Dans le virtuel, peu importe s'il s'avère qu'un jeune homme de vingt ans a fait l'amour avec une femme qui en a soixante dix-huit. Car lorsque cela s'est passé, ils étaient tous les deux jeunes et beaux. Peu importe pour le client d'une escort girl , si cette superbe femme qui a su utiliser les bons mots pour le faire jouir est en fait un homme de cinquante ans chauve et bedonnant.
Peu importe qui se "cache" derrière son personnage. Nous l'acceptons sans sourciller. Car nos "âmes" communiquent et cela suffit.

N'y a-t-il pas quelque chose de subversif dans ces nouvelles règles du jeu?
Je le crois. Et cela participe à mon avis de la méfiance que suscite Second Life.
Le monde virtuel se caractérise par l'abolition de barrières et par la création d'une nouvelle manière de communiquer, d'être et d'agir. Il peut même être une opportunité de réparer certaines injustices dans le monde physique. (Pensons par exemple aux handicapés qui peuvent grâce au virtuel avoir un corps comme les autres.) Il peut même devenir pour certains "une seconde chance".

Espérons que la liberté de choisir l'âge, le sexe, et la forme que l'on souhaite sera préservée et qu'elle ne sera pas seulement une parenthèse dans l'histoire de ces mondes alternatifs...

À la fin de la soirée, cette gentille avatar est devenue la première amie de ma liste.

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vendredi 1 février 2008

Second Life: Un véritable voyage


Au début de ma vie virtuelle, je me demandais pourquoi je me sentais enrichi du simple fait de voyager dans un monde virtuel.
Comme beaucoup d'avatars, je sentais bien qu'il y avait quelque chose de spécifique à ce type de voyage sans que je puisse le cerner totalement. Aller sur Second Life est une expérience intime, profonde, nuancée. De même que la vie "réelle", elle contient aussi sa part de mystère.

Par chance je suis tombé sur Marcel Proust. Pas sur lui en chair et en os, je ne suis pas encore totalement délirant, mais sur une citation faite par lui dans "A la Recherche du Temps Perdu":

"Le seul véritable voyage, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux".

Cela m'a fait "tilt". Si les expéditions dans le monde virtuel me procurent cette joie si particulière c'est parce qu'elles me donnent d'autres yeux. La plupart du temps, quand je reviens dans le monde « tangible », mon regard a changé. Il s'est décalé. L'effet est assez fort pour que je me penche de nouveau sur la question.
Comment l'expérience du virtuel peut elle transformer notre regard? Et donc notre vie?



1) L'expérience du virtuel ou la connaissance de soi.

En explorant cet univers dans une autre enveloppe que mon corps réel, dans un autre personnage que ma "personne réelle », vont s'éveiller des facettes de moi-même impossible à voir ou à révéler dans le monde tangible.

Le monde virtuel agit alors comme un révélateur de notre essence profonde, qui est véritablement multiple et diverse. Il enrichit notre personnalité en nous permettant de découvrir ces nouvelles facettes. C'est une forme de "renaissance". Pour de nombreux avatars d'ailleurs, l'occasion d'un nouveau départ. ( Nouveau métier, nouveaux comportements, nouvelles préoccupations, etc.)

D’une manière générale, sortir de son conditionnement (sexe, âge, condition sociale, ou même passer de l'homme à l'animal) pour vivre dans une autre "enveloppe" est non pas une fuite, mais une porte ouverte vers la connaissance de soi et des autres.
C’est ce que vivent les comédiens lorsqu’ils jouent un rôle. En habitant momentanément des « ego imaginaires » que sont les personnages, ils vont explorer sans risque ou presque, les recoins profonds et inconnus de leur personnalité.


Il y a là matière à se réjouir. Nous sommes beaucoup plus multiples et inconnus à nous-mêmes que nous le pensions!
Peu de gens comprennent l'intérêt de ces masques. Ils nous permettent pourtant d'accéder à une plus grande liberté et à élargir notre vision du réel. (voir à ce propos cet article sur l'identité virtuelle)

2) Second Life : un voyage de l'esprit.




Lorsque je vais sur SL, de même que lorsque je regarde un film, mon esprit voyage alors que mon corps ne bouge pas (ou presque). Que se passe-t-il pendant ce voyage?

Mon esprit coupe avec le réel "matériel" pour aller dans un autre réel. Un réel plus fluide, débarrassé de certaines contraintes physiques, mais un réel tout de même.
Sur SL, je me confronte aux autres, à la rencontre, au bon et au mauvais de chacun, à la jalousie, l'amour, l'amitié, la réussite etc. Les entreprises, elles, se confrontent à la concurrence, au choix d'une stratégie plutôt qu'une autre à des candidats qu’elles engagent. Second Life est une société à part entière et même si ce réel est généralement "fun", il peut être dans certains cas dramatique voire tragique. On y prend des risques financiers, amoureux, artistiques.

Pendant ce voyage, bien entendu, mes fonctions vitales restent "basées" dans le premier réel. Mais pendant un moment, mon esprit vit véritablement autant de choses que si je vivais dans le monde réel. Après une incursion dans le virtuel je ressens très nettement que j'ai vécu "autre chose" "ailleurs".

Lorsque je reviens dans la vie matérielle, ce voyage m'a donné du recul sur ma propre vie. Une sorte de distance bienfaitrice. Comme un cosmonaute qui a eu la chance de vivre un moment dans d'autres conditions spatio-temporelles. Pour certains c'est une expérience spirituelle tellement forte qu'elle génère à leur retour une autre façon de vivre. Voyager dans le virtuel, sortir sa vie et de son conditionnement est une manière de s'éloigner de ses automatismes et du mouvement incessant de la vie. C'est clairement une façon de se régénérer. À l’issue de cette expérience, il m'est apparu clairement que l'esprit peut se passer du corps pour mener sa vie et s'enrichir. Il a une vie à part entière.

3) Réveiller notre âme d'enfant


Un avatar "robot-pieuvre"

Aller sur SL est comme on dit, "fun". C'est comme si l'on redécouvrait que la vie pouvait être drôle. Jouer à dîner, à s'allonger sur une plage, ou encore à se faire croire qu'on est un robot-pieuvre, nous remet immédiatement en contact avec la dimension ludique et poétique de la vie. Une dimension que nous avons tendance à oublier. Ne dit-on pas dans la Kabbale que le monde est "d'essence poétique"?
En réactivant notre imaginaire et notre fantaisie nous redonnons à la réalité sa juste dimension. Je crois même que lorsque l'imaginaire est en marche, c'est un véritable accomplissement pour notre cerveau. Il se remet à vivre à sa pleine capacité. Il retrouve son élan initial. Il s'anime et nous fait voir la vie sous un autre jour. J'ai envie de dire, sous son vrai jour.

Agir dans un monde qu'on imagine en partie nous fait retrouver ce qu'on appelle "notre âme d'enfant". Il s'agit ici non pas de naïveté ou d'infantilité, mais de retrouver notre esprit de découverte, notre innocence, notre joie de vivre. Celle que nous avions naturellement lorsque nous étions de "petits enfants."

Ce processus est fondamental. Réactiver ce réservoir puissant contenu dans notre enfance redonne à la vie une saveur, une couleur que nous aurions pu croire disparue.
La vie est sans doute un chant, mais qui, à part les enfants, les artistes et les Sages, le ressent au plus profond? Citons un grand prophète, un grand poète, que tout le monde connaît et qui disait à propos des enfants:
"Le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent..."

Jésus (Matthieu 19;14).


4) Le virtuel ou l'effet miroir

Un des effets que de nombreux avatars vivent après leurs premières incursions dans le virtuel est ce que j'ai appelé: "l'effet miroir".
Tout à coup on se met à voir le monde réel par rapport au monde virtuel. Les humains ressemblent aux avatars, les immeubles de la vie réelle nous font penser aux immeubles du virtuel. Comme si les deux mondes se superposaient dans notre esprit. Cet effet n'est pas un délire. Il est révélateur du fait que les deux univers cohabitent à l'intérieur de nous. Ils peuvent être comparés, ils peuvent se compléter et ils ne sont évidemment pas étanches. Edward Castranova avait parlé de "porosité" entre le virtuel et le réel. Non seulement l'homme peut passer à tout moment du monde "réel" à un monde "synthétique". Mais en plus il intègre les expériences vécues dans un monde pour les appliquer dans l'autre.

L'idée est sans doute troublante mais depuis SL, le monde "réel" n'est plus la seule référence.(Ce qui n'empêche pas de reconnaître l'absolue beauté du Cosmos, sa dimension mystérieuse et sacrée). Les mondes virtuels nous contraignent donc à réenvisager notre réel et à le requestionner.


5) Le virtuel ou la naissance de nouvelles problématiques humaines


(Je ne traiterai pas ici les problématiques concernant l'amour et la sexualité des avatars qui mériteraient à elles seules, un article entier.)
Vivre dans le virtuel nous pose des questions. De même que pour la vie réelle, je ne peux avoir de certitude absolue. Elle nous pose par exemple des questions identitaires. "Qu'est-ce que l'avatar? Un autre"moi" plongé dans un autre contexte? "

Des questions philosophiques. "Le Réel n'est-il qu'à l'intérieur de moi? Quelle est la valeur du vécu "virtuel"?

Des questions éthiques: "Comment vivre en harmonie dans deux univers différents? Quelles sont les conséquences sur nos vies réelles de nos actions dans le virtuel?"

Ou même des questions métaphysiques. " Toute Créature a-t-elle un Créateur? L'avatar intelligent finira-t-il par penser par lui-même et se révolter contre son Créateur? N'est-ce pas finalement l'histoire de l'homme qui se répète? "


Le voyage dans le virtuel me donne aussi d'autres yeux parce qu'il me questionne sans cesse. Il m'apprend sans doute à mieux vivre et à m'améliorer. Par différents aspects, il est "initiatique". C'est aussi pour cette raison qu'il se heurte à autant d'incompréhension.


À mon humble avis c'est faire preuve d'ignorance et de peur que de réduire la plongée dans le virtuel comme cela est dit souvent, à une fuite pathologique du réel.
Les résidents de Second Life ne sont pas nécessairement des malades mentaux à enfermer très vite, des frustrés du sexe, des gens "seuls et malheureux dans leur pauvre petite vie", des complexés par leur physique nécessairement ingrat, des timides maladifs, des gens perdus qui recherchent un paradis artificiel gratuit et sans risque...


Les explorateurs du virtuel sont à mon avis, tout aussi amoureux de la vie réelle que les autres, ils sont tout aussi sensibles à la présence humaine, à la beauté de la nature, à l'art, bref ils sont tout aussi "normaux" et humains que ceux qui préfèrent regarder la télé....



Cette expérience de vie peut, si nous le souhaitons, nous apprendre sur la Vie.




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