jeudi 19 avril 2007

Second Life: Midnight shopping


J'errais ce soir-là tout seul, dans Midnight City.
Une ville étonnante. Une sorte de New York où le jour ne paraît jamais. Il est toujours minuit à Midnight City. On y croise peu de monde. Comme dans le désert.

Je suis étonné qu'il n'y ait personne dans un endroit aussi magique. C'est le genre de choses qui arrivent sur SL. Un privilège en quelque sorte.
J'avais repéré Midnight City sur le profil d'Aimée Weber, la fameuse designer. Ce n'est pas seulement un de ses lieux favoris. Midnight City a été créée entièrement par elle.

Comme pour tous les vrais artistes, son style est reconnaissable au premier coup d'oeil. Jeu subtil avec la réalité, sens du détail, humour.
C'est tout simplement beau.

J'ai eu envie de partager ce lieu avec quelqu'un. J'appelle Ides, une avatar que j'avais rencontré au Club de Philo et qui m'avait semblé d'entrée de jeu intelligente, voire intellectuelle, et assez rebelle. Je lui propose de me rejoindre.

Moi: je suis dans un bar où l'on ne peut pas boire, où il n'y a personne... mais l'endroit est très intéressant.
Sur Second life, ce genre d'invitation ne fait pas peur aux femmes.
Elle : Est-ce que tu as plus de cinq minutes? Est-ce que je dois garder un rendez-vous sous le coude?

Ides avait des raisons de se méfier. A chaque fois que je l'avais vue, j'avais très peu de temps devant moi. Je n'arrêtais pas de répéter que je devais retourner dans la RL. J'étais un peu comme le lapin d'Alice au Pays des merveilles. Cela énerve au bout d'un moment. Une fois, alors que je venais à peine de me connecter et que j'avais toujours peu de temps, je l'ai appelée: je suis juste venu te dire que je m'en vais...
Elle: Oh super. Très heureuse de savoir que tu vas partir. Merci de m'avoir prévenue!
C'était devenu un petit jeu entre nous.
Elle s'est évidemment méfiée quand je l'ai contactée ce soir-là, mais je l'ai rassurée sur le temps que j'avais à lui consacrer.



Cinq bonnes minutes plus tard. Toujours pas de nouvelles d'Ides.
Moi: Tu viens?
Elle: J'arrive. J'ai besoin de conclure poliment la discussion avec un avatar.
Après ce que je lui avais fait subir, c'était de bonne guerre.

Ides me pose rapidement des questions sur ma Real Life. Comme à mon habitude, je préfère ne pas répondre. Je ne veux pas que Second Life se transforme, comme je l'ai déjà dit en un meetic.fr en 3D. Aucune information sur ma RL.
Ides: Comme tu veux. Mais je n'aime pas le mensonge. Je viens d'un endroit où les gens sont dans le paraître et je n'aime pas cela. Toute la société est comme cela.

J'étais plutôt d'accord sur la religion du paraître. Mais est-ce que ne rien dire sur sa RL c'est "mentir"? Est-ce que ce n'est pas une voie pour bien partir dans l'imaginaire? Le débat reste ouvert.
En tout cas, la communication entre nous ne s'annonçait pas évidente. Sur Second Life, j'aime me faire croire des choses, m'inventer des histoires, jouer un rôle. Ides de son côté est une fille engagée, préoccupée par le monde, et qui ne veut surtout pas "oublier la réalité". Si nous voulions passer une bonne soirée ensemble, il allait falloir trouver des ponts entre nos façons respectives de vivre le monde virtuel.
Moi: Pourquoi tu viens sur Second Life?
Ides: Je suis photographe dans la RL et je suis surtout définie par "ce que je fais". Ici je suis définie par "ce que je suis". Cela fait du bien.
Je comprends ce qu'elle veut dire. Ici nous sommes déconditionnés de notre vie réelle. Et cette forme d’anonymat est précieuse. Elle donne une liberté assez jouissive. Pour combien de temps?
La tendance dans nos sociétés est d'en finir avec cette liberté que donne l'anonymat, quasi-impossible aujourd'hui où tout ou presque est enregistré, filmé, répertorié.

J'avoue qu'à un moment j'ai été tenté de parler de ma real life. Mais c'était juste une tentation narcissique. Je me suis repris. Dans quelques années, lorsque le virtuel ressemblera trait pour trait à la réalité et qu'il en offrira des sensations proches sinon encore plus fortes, est-ce que nous aurons encore envie de savoir "qui est qui" dans la RL? ou bien serons-nous devenus indifférents à ce qui se passe dans la première réalité?

Ides me fait cette remarque étonnante: elle a peur que si elle mourrait un jour, ses amis SL ne le sachent pas. Et rien que pour cela, elle ne fait pas de séparation entre RL et SL. J'ai pensé moi aussi à ma mort en tant qu'avatar. Un de ces jours il faut que je prévienne quelqu'un de confiance dans la RL qu'au cas où cela arriverait, il faut faire un "IM - faire -part" à ma liste d'amis. Un truc du style: "Myster Welles est mort dans son sommeil cette nuit. Il n'a pas souffert. Il n'y aura pas d'enterrement sur SL, mais une petite cérémonie en son honneur, au Philosophy Club, près du nain de jardin, sur une musique de Bob Dylan, Knockin' on Heaven's Door..." Le rêve quoi!


Nous avons fait les boutiques sur Midnight City. Toujours pas de cars de touristes ou de bruits d'appareils photos numériques. Seulement quelques sons de sirène de police habilement choisis. Très agréables à entendre dans ce contexte.


Je n'ai jamais aimé faire du shopping dans la RL et pourtant j'ai eu beaucoup de plaisir à faire découvrir le magasin de fringues d'Aimée Weber. Sans être un grand fétichiste j'aime particulièrement ses collants filés et surtout le détail des petits trous. C'est sexy et drôle à la fois.

Moi: Est-ce que tu accepterais que je t'offre quelque chose?
Cela m'a pris comme ça. Peut-être un réflexe de mâle. Pourtant Ides n'est pas du genre à aimer les apparences. Mais j'ai eu envie de lui offrir mon premier vrai cadeau sur SL.
Elle : Ok. J'accepte. Mais je veux aussi t'offrir quelque chose.
Moi: Ok. Avec plaisir. Une autre fois.


Je souhaiterais juste prévenir les avatars mâles: avec beaucoup moins de 250 lindens dollars (moins d'un dollar US) vous pouvez rendre une avatar folle de joie... même une intello rebelle et préoccupée par la misère dans le monde.


Elle a pris son temps.



Elle m'a emmené d'un bout à l'autre de la boutique pour me demander mon avis.




Elle: Alors?
Moi: Le corset à lacets noirs...
Ides: ....Je peux encore prendre quelque chose , il me reste encore quelques lindens.
Moi: J'aime bien les jupes.
Ides: Tu préfères laquelle, celle -là ou celle en satin?
Moi: Celle en satin...
Ides: Oui c'est celle à laquelle je pensais...


C'était un spectacle étonnant et touchant. D'une exquise intimité et très drôle à la fois. Ce comportement typiquement féminin, qui m'aurait horripilé dans la vie réelle, m'amusait franchement. Peut-être parce que c'était la première fois. Peut-être aussi parce que je découvrais Ides sous un autre jour.

Elle: Merci
Moi: De rien, vraiment.

Moi: Qu'est-ce que tu fais?
Elle: J'essaye de mettre ma jupe. Je ne devrais pas, je risque de me retrouver à poil.
Moi: Je ne suis pas choqué par la nudité ici.
Elle: Moi si, par la mienne.

Elle: Je n'ai jamais fait de shopping sur SL avec un homme.
Moi: Moi non plus avec une femme, c'était ma première fois.

Elle: C'était bien de passer un moment avec toi...
Moi: Pour moi aussi.

Nous avions trouvé un modus vivendi. Ni trop dans le virtuel ni pas assez. Un juste milieu qui nous a plu à tous les deux.
Cela a valu le coup de prendre du temps pour Ides. Un vrai moment jazzy.



Ma soirée à Midnight City résumée dans ce petit clip sur une très belle ballade d'Almo



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mardi 10 avril 2007

Ma vie sur Second Life: Changer le Monde


En général, quand j'ai des questions à poser, je m'adresse aux Sages du style: Moïse, Jésus, Confucius, Rabbi Nahman, ou Swamiji Prajnanpad. Mais ils ne sont pas encore sur Second Life...
Je repère alors sur le profil d'Eureka Déjavu, un club philosophique, le Philosophy House . A vrai dire, les philosophes ne sont pas toujours les mieux placés pour répondre aux questions existentielles, mais il leur arrive de se surpasser.

Le groupe: Bonjour Myster!
Moi: Bonjour tout le monde!

La discussion en cours était sur D.ieu. Bonne surprise, j'aime beaucoup parler de D.ieu. (N'oublions pas que son vrai nom est imprononçable). Les avatars qui étaient présents avaient tous l'air de bien se connaître. Des gens plutôt sympas et cultivés. La plupart faisaient parti d'une certaine contre-culture américaine que j'affectionne tout particulièrement. Ce lieu simple où l'on était assis sur des troncs d'arbres semblait être leur repère. Agréable sensation de trouver un endroit où des habitués vous reçoivent gentiment et veulent partager leur univers avec vous.


Seul problème, je n'ai pas pas pu en placer une. Ces avatars philosophaient avec un grand sérieux, en anglais, tous en même temps et à toute vitesse. J'ai essayé de dire: "L'homme pense, D.ieu rit", mais la discussion allait trop vite pour moi. Je remarque alors une jeune avatar, légèrement anorexique, et dont le profil disait qu'elle était très timide. Il valait mieux commencer une discussion à deux, même avec une grande malade.

Moi: Tu crois que D.ieu est à l'intérieur de nous?
Elle: Non.
Moi: Tu crois que D.ieu est autour de nous?
Elle: Non plus.

Elle a tourné les talons.  Accès subit de timidité.


Je décide d'aller voir le nain de jardin que j'avais repéré derrière moi.

Lui: Bonjour Myster!
Moi: Vous connaissez mon nom???
Lui: C'est écrit au-dessus de ta tête...
Moi: Qu'est-ce que vous faites-là?
Lui: Tu peux me parler si tu veux...Je suis un nain philosophe.

A priori, ce n'est pas mon genre de parler à un nain de jardin. Encore moins un nain philosophe. Mais après tout qu'est-ce que j'avais à perdre?

Moi: Je ne vais pas bien Monsieur le Nain...je traverse un crise virtuelle...la plupart des gens s'amusent sur Second Life...Comment ils font?...j'ai perdu la foi dans les mondes virtuels...je ne sais plus ce que je fais là...

...Je ne peux pas passer le restant de ma vie assis sur un tronc d'arbre à écouter des gens que je ne comprends pas!

Moi: Comment vous faites pour être tout le temps heureux vous?

Le Nain: On dit que le Sage vit dans un orgasme quotidien...
Moi: Un orgasme quotidien???  Désolé mais ça j'ai renoncé...
Le Nain: Je voulais dire: sois content de ce que tu vis. Chaque jour. A chaque moment.

Le Nain: Pourquoi tu ne danses plus? Tu avais l'air de t'amuser tellement...
Moi: Peur de la tentation, ça peut aller très vite ici...
Le Nain: Je ne peux rien faire pour toi. Tu es le seul à connaître la solution.
Moi: Merci du scoop. Vous pouvez pas me dire autre chose?
Le Nain: A quoi ça sert? On en fait qu'à sa tête, non?

Moi: Dites-moi au moins une chose, une seule...pour que je puisse trouver du sens ici...
Le Nain: Une seule chose?
Moi: Oui.
Le Nain: Be happy.

J'étais très clairement tombé sur un Sage. Calmé par ces mots, je retourne voir mes amis philosophes et allez savoir pourquoi...cela s'est mis à gentiment dégénérer.


Madeleine, un des piliers du club, a commencé à mettre de la musique, à filer des scripts de danse à tout le monde.

On a même consommé des drogues, des acides virtuels qui font délirer sans faire de mal.

C'était la première fois que ce club de philosophes très selects se lâchait comme ça...
J'invite Ides, une avatar que je viens de rencontrer ici, à me rejoindre dans la danse. Elle refuse. Elle me prévient qu'elle est plutôt associale...et qu'elle a du mal avec les trucs de groupe. J'insiste, mais rien à faire.

Juste au moment où je dois partir rejoindre ma planète Vénus, Ides se met aussi à danser, miraculeusement.

Moi: Tu te mets à danser au moment où je pars?  
Elle: A toi de voir ce qui est mieux, la RL ou ici...
Très forte Ides.

J'y suis resté une demi-heure de plus.

Qui sait vraiment comment nous influençons les autres?  Comment le monde se met à bouger ? Cela peut être juste parfois une phrase, un sourire, un geste qui crée un mouvement qui nous échappe. Des petites choses.

Il suffit parfois de bouger un tout petit rouage à l'intérieur de soi pour que le monde se mette soudainement à changer. Les Bouddhistes parlent d'un lien d'interdépendance entre toutes choses, une loi de "non -séparablité". La mécanique quantique confirme ce phénomène: toutes les particules dans l'Univers sont en interaction les unes des autres. Elles exercent une influence l'une sur l'autre.

Cette joie soudaine chez les philosophes était-t-elle dû à mon influence?
A celle du nain?
D.ieu seul le sait.




Sur une musique du groupeParanoia, cyberfonk, petite pub pour le club de philo


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